Comment Ya'aqov peut-il poser des conditions suite à la promesse de Hashem dans son rêve de l'échelle ?
Esaü jure de tuer son frère Jacob. Ce dernier quitte donc la Terre de Canaan en direction de Haran, en Mésopotamie. Il espère également y trouver une femme de la famille d’Abraham.
La nuit tombée, il s’arrête en chemin et fait un songe prophétique. Une échelle est posée à terre et son sommet atteint le ciel. Des anges y montent et y descendent. D. s’adresse alors à lui. Il lui promet une grande descendance dans le pays de Kéna'an. Il sera toujours avec lui, le protégera et le ramènera dans ce pays.
A son réveil Jacob émet alors un souhait :
“Si l’E-ternel est avec moi et me garde dans ce voyage que je suis en train de faire,
s’Il me donne du pain à manger et un habit pour me vêtir,
si je retourne en paix à la maison de mon père
le S-eigneur sera alors pour moi un D..”
(Gen. 20-21)
Comment comprendre les paroles de Jacob ? D. s’engage à le protéger et à le ramener dans son pays. Comment peut-il mettre en doute la parole de D. ?
La réaction de Jacob à la promesse divine nous enseigne la nécessité de mériter tout ce que nous recevons. Même lorsque D. Lui-même assure d’être toujours avec Jacob, ce dernier comprend qu’il doit mériter tout ce que D. lui annonce.
Pour l'instant, Jacob ne se trouve qu'au début de son histoire. Il comprend qu'avec son départ de Beer Sheva', une nouvelle page de sa vie se tourne. Son existence se trouve enrichie par son rêve. Il lui reste tant de choses à découvrir, tant de défi à relever. Rempli d'espoir, ses yeux sont émerveillés devant les nouveaux horizons qui s'ouvrent devant lui. Il sait cependant que c'est à lui de se mettre en chemin, à lui de tout faire pour y arriver.
Avant d’avoir vécu sa vie à l’écoute de la parole divine, avant d’avoir agi sans cesse pour le Bien et la Justice, comment s’assurer d’y parvenir ? Ce n’est donc pas la promesse divine que Jacob met en doute, mais au contraire le mérite de sa propre existence. les conditions qu'il pose sont une prière faite à D. de mériter la promesse faite et de l'aider à la réaliser.
Mais, dans ce cas, pourquoi Hashem n'attend-il pas que Jacob soit méritant avant de lui promettre ou plus exactement dans ce cas de le récompenser par tant de bienfaits ? La question est évidemment plus générale et s'applique à l'élection d'Israël.
Ici apparaît un enseignement majeur de la Tora : L'élection et la promesse précèdent nécessairement le mérite. Cela implique plusieurs conséquences :
1. La Tora pose à la fois l'élection absolue d'Israël, sans qu'il ne soit possible de la remettre ne cause, et tout autant la nécessité absolue de mériter a posteriori cette éléction. Jacob ou Israël n'a pas d'autre choix que celui de mériter son élection. Si cette dernière était la résultante d'un mérite, cela laisserait l'alternative de ne pas faire l'effort pour la mériter et d'ainsi accepter de ne pas être élu. L'élection d'Israël est une contrainte. Etant choisi, a priori, il ne peut s'y soustraire et n'a pas d'autres choix que de la mériter.
2. La promesse n'est pas celle d'une récompense ! Hashem assure à Jacob comme à Israël les moyens de parvenir à accomplir le service qui est attendu d'eux. Cette idée, chère au Rambam, a été développée sur les bénédictions et les malédictions annoncées dans la Tora. La Terre et la descendance sont les moyens pratiques, concrets, de réaliser la mission d'Israël S'attendre à la fin des temps, à ce que Hashem récompense, par le don de la Terre "sainte" et par une alliance particulière, le peuple qui aura le plus prouver sa fidélité à D. est à la fois utopique et misérablement réducteur. Utopique, car, pour reprendre les mots de la parole de hashem dans le rêve, sans l'aide et la protection de Hashem, sans l'assurance d'une structure physique, un corps composé d'êtres humains et d'une terre, quel peuple peut faire le choix de servir totalement D., à contre courant et au prix de sacrifices innombrables ? Misérablement réducteur, car la possession d'une terre, le nombre, la richesse et la puissance sont-elles des valeurs en elles-mêmes, à ce point importantes pour rétribuer des millénaires d'histoire tourmentée et merveilleuse ? A l'inverse, le choix fait par Hashem d'un peuple, à la suite de la fidélité de ses ancêtres, en s'alliant à lui et en lui promettant "du pain pour manger, un vêtement pour s'habiller et retourner en paix chez son père", sur sa terre, et le seul moyen de lui permettre d'accomplir sa mission. Quant à la fin des temps, la rétribution promise, ne se réduira ni à des conditions physiques, ni au peuple d'Israël. Celles et ceux qui, dans l'Humanité, ont été sensibles au message véhiculé par Israël, avec l'aide de D., seront ses élus.