Pour quelle raison un livre est-il retenu dans la Bible? Les sages du Talmud s’interrogent, encore après la destruction du deuxième Temple, au sujet de la sainteté de certains écrits (Yadayim III, 5). Ils craignent par exemple que des versets de L’Ecclésiaste ou des Proverbes soient mal interprétés (Shabbat 30b). L‘inspiration divine des auteurs du Cantique des Cantiques (‘Edouyot V, 3) et du Rouleau d’Esther (Meguillah 7a) est mise en doute. Quant au Livre de Ben Sirah - L’Ecclésiastique - il est définitivement écarté.
Les rabbins considèrent en effet
que des centaines de milliers de prophètes ont existé en Israël.
Ces prophètes ne sont pas seulement des personnes ayant atteint un
niveau supérieur de sagesse ou de relation à l'E-ternel. Ils sont
aussi des messagers divins. Pourquoi leurs prophéties ont-elles
disparu ? Le Talmud répond (Meguillah 14a):
“Une prophétie qui est nécessaire aux générations futures a été écrite, celle qui ne l’est pas n’a pas été écrite.”
Un discours peut être inspiré
par l'E-ternel, prononcé par une personnalité importante d’Israël,
avoir à son époque une grande influence et exprimer une profonde
sagesse, il ne trouve pourtant pas toujours sa place dans la Bible.
La question qui est ici posée est : à
quoi cela va-t-il servir ?
Pour les Sages, les livres
bibliques n’ont pas pour fonction d’établir l’histoire
d’Israël ou de réunir ses grands auteurs. Les Sages intègrent un
livre dans la Bible, plus de quatre siècles après sa rédaction, en
considérant qu’il contient un enseignement perpétuel.
Les livres bibliques répondent
donc au minimum à deux critères.
- Ils sont inspirés par l'E-ternel.
- Ils sont écrits pour les générations futures.
On comprend alors
les controverses au sujet du Rouleau d'Esther. Non seulement le nom
de l'E-ternel n'y apparaît pas mais surtout les idées qu'il
véhicule semblent contraires au message biblique. L'histoire du
decret d'extermination des juifs puis de leur délivrance est
indépendant de leurs fautes ou de leurs mérites. Le hasard, dans
une grande part, et l'action de quelques personnages semblent
déterminer le cours de l'histoire.
Nos Maîtres
enseignent que non seulement le Rouleau d'Esther est un livre saint
« malgré » le message qu'il délivre, mais surtout que,
sans lui et sans son message particulier, la Bible est incomplète.
Le Rouleau d'Esther nous apprend qu'il existe des moments historiques
durant lesquels la haine destructrice envers le peuple juif est
uniquement identitaire. Nul intérêt politique ou économique, nul
conflit spirituel ou religieux en sont la cause. Seule la volonté
irationnelle de mettre fin à l'histoire juive anime cette folie
exterminatrice. Face à cela, les notions de mérites ou de
responsabilités, si chères à la Bible et maintes fois vérifiées,
semblent disparaître. Tel Mordékhaï refusant de se prosterner
devant Haman pour la seule raison « qu'il est juif »,
l'affirmation identitaire, même détachée de son appartenance à
l'alliance avec l'E-ternel est seule à trouver une issue à ce
risque d'anéantissement.