vendredi 28 février 2014

Articles sur Pourim

Dès qu'entre le mois de adar...



Cet article a été écrit suite à l'attentat contre la yeshiva de merkaz harav, rosh hodesh adar 2 5768.

Dès qu'entre Adar on multiplie la joie. Maharal

Cours audio qui fait suite à l'article : Dès qu'entre le mois de adar...

L'étoile du matin

Ce ne peut être un hasard que des héros bibliques portent les noms de divinités païennes. Esther et Mordékhaï renvoient aux principaux dieux perses Ishtar et Mardouk. Ce rapprochement peut paraître gênant mais, comme nous allons le voir, cela suit une logique spécifique au Rouleau d'Esther.

Désobéissance féminine

Dans l’Antiquité et au Moyen age, le père est doté de ce que l’on qualifie de « puissance paternelle ». Femme(s) et enfants lui doivent respect et obéissance. Toute la société repose sur des rapports d’autorité et de soumission. Ainsi, la position du père à l’intérieur de la famille représente et garantie l’autorité du roi sur tous ses sujets. Cette situation est très bien illustrée dans un des premiers épisodes du Rouleau d’Esther.


Esther dans la Bible

Pour quelle raison un livre est-il retenu dans la Bible? Les sages du Talmud s’interrogent, encore après la destruction du deuxième Temple, au sujet de la sainteté de certains écrits (Yadayim III, 5). Ils craignent par exemple que des versets de L’Ecclésiaste ou des Proverbes soient mal interprétés (Shabbat 30b). L‘inspiration divine des auteurs du Cantique des Cantiques (Edouyot V, 3) et du Rouleau d’Esther (Meguillah 7a) est mise en doute.


Le dévoilement de pourim

Dans le Rouleau d’Esther, la situation des personnages se reflète dans leurs vêtements. Apprenant le décret d’Haman d’exterminer tous les juifs, Mardochée déchire ses habits et se couvre d’un sac.


Libre destinée

Le quatorze adar, a lieu la fête de pourim. Son histoire est racontée dans le Rouleau d’Esther. Haman, premier ministre de l’empire perse, ordonne « de tuer, de perdre et d’exterminer tous les juifs - jeune et vieux, enfants et femmes – en un seul jour » (Est. 3, 13). Le jour avait été fixé par tirage aux sorts, en hébreu pourim, au 13 adar. Grâce à la reine Esther le roi autorise les juifs à se défendre. Le 13 adar est alors un jour de triomphe pour les juifs. Le lendemain devient jour de réjouissances.


Souviens-toi de Amaleq

AVERTISSEMENT : L'article qui suit relate des faits imaginaires et complètement irréalistes, quoique...


De pessah à pourim

Le premier mois du cycle des fêtes de l'année juive est le mois du printemps, nissan, mois de notre libération de l'esclavage d'Egypte. Le dernier mois est celui de la fin de l'hiver, adar, mois de notre sauvetage de l'extermination en Perse. VIDEO



De pessah à pourim


Le premier mois du cycle des fêtes de l'année juive est le mois du printemps, nissan, mois de notre libération de l'esclavage d'Egypte. Le dernier mois est celui de la fin de l'hiver, adar, mois de notre sauvetage de l'extermination en Perse. Que nous apprennent les premières étapes du peuple d'Israël dans le désert avant le don de la Torah ? Comment passe-t-on de pessah à pourim ?


De pessah à pourim from Ariel REBIBO on Vimeo.

Souviens-toi de Amaleq

AVERTISSEMENT : L'article qui suit relate des faits imaginaires et complètement irréalistes, quoique...

L'affaire a commencé le 1er avril dernier par une question tirée au hasard à l'ONU : Faut-il assimiler « judaïsme » à « racisme » ? En effet un verset de la Tora impose d'effacer le souvenir du peuple de 'Amaleq. Une commission a été créée. Elle est rapidement parvenue aux conclusions suivantes :

  1. Voilà près de 4000 ans, le petit peuple de 'Amaleq habite dans les montagnes au Nord du désert du Sinaï et vit de brigandage. Il pille les caravanes et s'attaque parfois même aux villes, quand l'Etat est faible. Les philistins et les hébreux ont été les principales victimes de ce peuple.
  2. La première des attaques qui nous soit relatée dans la Torah, livre sacré des juifs, est celle qui suit la sortie d'Egypte. 'Amaleq attaque Israël sur son chemin vers la Terre de Canaan. Josué repousse l'assaut tandis que Moïse lève ses mains vers le Ciel.
  3. Aucun différend territorial ou politique n'oppose ces peuples. La responsabilité première de 'Amaleq semble donc avérée. Cependant, il est improbable qu'il ait eu l'intention de détruire Israël. En nombre bien inférieur aux millions d'hébreux, 'Amaleq attaque par l'arrière les personnes faibles à la traîne. C'est lâche, évidemment, mais le but de 'Amaleq n'est que de piller et de retourner dans ses villages fortifiés. L'opération défensive menée par Josué est donc légitime mais comment comprendre la suite ; une guerre éternelle est déclarée par D. à 'Amaleq ? Alors qu'Israël a le droit de pactiser avec l'Egypte qui l'a asservi pendant des siècles et assassiné ses enfants, point de trêve ou de repentance pour 'Amaleq ! Une guerre totale contre un peuple qui a opéré une razzia !
La commission de l'ONU a donc présenté une proposition de résolution condamnant la réaction disproportionnée du peuple d'Israël qui se rendrait en plus coupable de racisme et de crime contre l'Humanité. L'Etat d'Israël a donc été sommé de fournir des explications sur cette affaire.
L'Etat hébreu s'est déclaré incompétent en matière d'explication de la Tora et inapte à porter une responsabilité quant à son message. Ce à quoi le rapporteur de ladite commission, Ben Hameydata, de répondre que « sans sa Tora, le peu de légitimité de l'Etat d'Israël part en fumée ». Le gouvernement israélien a rappelé l'épisode de Haman, descendant de 'Amaleq, qui a tenté d'exterminer tous les juifs, hommes, femmes et enfants, en un seul jour. Hameydata a rétorqué que Haman n'a fait que rendre au peuple juif la monnaie de sa pièce puisque Saül, Roi d'Israël s'était, le premier, rendu coupable de génocide envers 'Amaleq quelques siècles plus tôt.
L'assemblée générale de l'O.N.U. a refusé de suivre toutes les conclusions de la commission, arguant que l'on ne peut « condamner un peuple sur la base de textes antiques dont la véracité n'est pas reconnue ». Elle a donc décidé de se rassembler le 15 mars prochain afin de procéder au vote de la résolution 5702 décrétant que « le judaïsme actuel est une forme de racisme et de discrimination raciale ».
Une tempête de réprobations envers le judaïsme s'est mise à souffler, depuis les dictateurs jusqu'aux esprits humanistes et pacifiques. Certains Etats ont demandé que soit ajoutée à l'encontre du judaïsme une condamnation pour « antisémitisme » puisque 'Amaleq est descendant de Sem et même d'Abraham et du fils aîné de Isaac.
A l'intérieur même des communautés juives les débats furent houleux. Des intellectuels juifs européens ont critiqué la Tora en s'étonnant d'une telle rancune envers de misérables pirates du désert. Ils ont réclamé que soient supprimés les versets compromettants. Quelques rabbins américains se sont empressés d'approuver cette requête. Ils ont même eu l'idée d'accomplir ainsi le verset : « Tu effaceras le souvenir de 'Amaleq »... de la Tora ! Mais presque toutes les autorités juives ont refusé de toucher au Pentateuque.
L'opinion publique internationale a été unanime dans sa critique : articles de presse, émissions télévisées, manifestations, boycotts, jamais l'attention du Monde ne s'est portée de manière aussi exclusive sur un seul sujet d'actualité. Les sites de recherche internet ont annoncés que plus de 80 % des requêtes dans le Monde portaient sur cette affaire.
Des ambassadeurs israéliens ont été renvoyés dans leur pays mais également des rabbins ont été expulsés ou interdits d'enseignement et des yéshivot, académies talmudiques, ont été fermées. Même le pacte entre les antisionistes juifs ultra-orthodoxes et non-juifs s'est brisé. Les premiers prétextant que ces versets étaient à prendre au sens symbolique puisque 'Amaleq n'existe plus, les seconds affirmant qu'aucun groupe ne peut se permettre de garder dans sa charte un appel à la destruction d'un peuple, fut-il symbolique. Un accord a failli être passé lorsqu'un rabbin antisioniste a déclaré que le peuple de 'Amaleq était aujourd'hui l'Etat sioniste mais peu ont voulu se démarquer de d'opinion générale sommant les juifs de faire disparaître les versets polémiques de la Tora et des manuels scolaires juifs.
Violemment critiquées de l'extérieur et de l'intérieur, les communautés juives ont finalement retrouvé leur unité mise à mal. Juifs de gauche et de droite, religieux ou non, sionistes ou pas, partisans de la force ou du dialogue, tous se sont rassemblés. Jamais une telle entente ne s'était réalisée. Une même réaction spontanée est alors apparue. Dans les synagogues, les lieux publiques, les rues, devant les caméras de télévision, les juifs se sont mis à lever les mains vers le Ciel à l'instar de Moïse lors de la guerre contre 'Amaleq.
On pourrait penser qu'en levant les mains vers D., ils baissent les bras devant la critique. Mais de l'avis des personnes interrogées, ce geste indique que, non seulement le salut ne vient que de D. mais également que l'agression du peuple de 'Amaleq est dirigée contre le D. d'Israël. En effet le contexte historique de l'attaque de 'Amaleq dans le désert permet de reconsidérer les premières conclusions de la commission. 'Amaleq s'est attaqué, il est vrai, à Israël comme à tout autre peuple mais à un moment particulier de l'Histoire de l'Humanité. Après des siècles d'exil et d'asservissement, le peuple d'Israël aurait du disparaître dans les limbes de l'histoire comme tant d'autres nations dominées. Or, de manière prodigieuse, ce peuple est sorti d'Egypte en y voyant la main de D.. Il a traversé la Mer Rouge qui s'est refermée sur l'armée égyptienne et a suivi Moïse dans le triangle du Sinaï, lieu désertique qui ne mène nul part. Aucune nation n'osait alors s'interposer sur le chemin du peuple d'Israël. C'est précisément sur ce chemin de la constitution du peuple d'Israël au service de son D. que 'Amaleq attaque, effectivement comme si de rien n'était. Car telle est l'opposition fondamentale entre ces deux peuples frères. L'un affirme qu'il existe un D. de l'Histoire, qui juge les humains pour leurs actions et intervient dans le cours des événements, le second s'oppose à l'idée d'une responsabilité devant D.. L'épisode extraordinaire de la Sortie d'Egypte semblait démontrer l'existence du D. d'Israël qui donne sens à l'Histoire, c'est la raison pour laquelle 'Amaleq se devait de réagir en « normalisant » l'histoire de ce peuple, en la réintégrant dans un monde sans autres lois que celles du hasard et des déterminismes naturels. Pour Israël, les événements historiques sont le masque derrière lequel D. se cache et par là-même révèle son Existence. Pour 'Amaleq, nulle victoire, nulle défaite, ne prouve un « maître du jeu ». Les cartes sont tirées au hasard, l'Histoire en est le résultat. 'Amaleq empêche donc d'asseoir D. sur le trône de Justice qu'Israël a le devoir de créer. A travers l'Histoire, l'existence même d'Israël, envers et contre tout, démontre l'existence d'un projet pour le Monde basé sur des lois de justice et d'égalité entre les humains et les peuples devant D.. Cela ne nie pas la réalité d'autres lois, d'autres « dialectiques » (le hasard, la nature, la force, etc..) mais cela implique qu'elles puissent être dominées, canalisées, guidées. De tout temps une réaction violente se produit, de l'extérieur comme de l'intérieur du peuple d'Israël. Une réaction tentant à se masquer le prodige, l'étendard divin, et à persister à ne considérer que les forces qui ne responsabilisent pas l'humain et ne le contraignent pas à choisir entre le Bien et le Mal.
Dans ce combat entre Israël et le descendant de son frère jumeau, Israël n'a pas d'autre arme que celle d'exister par ce qui le caractérise : Etre le peuple qui montre aux hommes le chemin du Ciel, sans se prosterner ni tenter de se cacher en pensant être épargné.

A. R.

L'étoile du matin

Ce ne peut être un hasard que des héros bibliques portent les noms de divinités païennes. Esther et Mordékhaï renvoient aux principaux dieux perses Ishtar et Mardouk. Ce rapprochement peut paraître gênant mais, comme nous allons le voir, cela suit une logique spécifique au Rouleau d'Esther.
Intéressons-nous uniquement au pseudonyme Esther-Ishtar qui permet de dissimuler la judéité de la juive Hadassa. Le jeu de mot est très subtil. En perse, il s'agit du nom de la plus importante déesse. En hébreu, il signifie précisément « caché ». Le masque d'Esther est donc entier. L'orpheline juive se cache sous les traits d'une reine perse du nom d'une déesse perse.
Ishtar est la déesse féminine de la beauté et de la guerre. Elle correspond à « l'étoile du matin ». Cachée durant toute la nuit, elle n'est visible qu'à l'approche du matin, à l'Est. Il s'agit de la planète Vénus, le corps céleste le plus brillant après le soleil et la lune, d'où son nom hébraïque Nogah qui signifie "lumière éclatante" (vient ensuite Jupiter, rattaché à Mardouk, appelé Tsedeq en hébreu, "Justice"). Quand cette "étoile" paraît à l'aube, les troupeaux quittent l'étable, c'est pourquoi elle est également appelée « l'étoile du berger ». En hébreu cette étoile est appelée ayelet hashahar que l'on peut traduire autant par « la gazelle du matin » que « la puissance du matin ».
Les mots "astre" en français ou "star" en anglais trouvent leur origine dans le mot Esther-Ishtar. Dans la semaine, le jour de vendredi lui est rattaché à Vénus, dernier jour avant le shabbat.
Les liens entre la déesse Ishtar et la Reine Esther sont évidents. Très belle femme mais également guerrière, c'est elle qui fait pendre Haman et ses fils et qui déclenche la guerre contre les ennemis des juifs. Comme l'étoile du matin, Esther ne révèle son identité qu'à la fin de l'histoire. Le sauvetage ne se produit qu'au dernier moment et en fin d'année, le « douzième mois », à la fin de l'hiver. L'histoire se produit vers la fin de l'exil de Babylone, au moment où le peuple d'Israël commence à retourner sur sa Terre pour y reconstruire le Temple.

קובץ:08.12.01 01 Conjuction of the Moon, Venus & Jupiter.JPG
Conjonction entre la Lune, Vénus et Jupiter, le 1er décembre 2008, he.wikipedia.org
Le roi David a écrit le psaume 22 en relation avec cette étoile du matin. Nos sages nous enseignent que ce psaume renvoie à la reine Esther. Ils étaient donc conscients du rapprochement entre Esther et Ishtar.
Dans ce psaume l'auteur demande à D. pourquoi Il l'a abandonné, pourquoi Il se cache. C'est ce sentiment que les enfants d'Israël ressentent durant l'exil de Babylone. Cette nuit de l'exil devient de plus en plus obscure. Même les étoiles, les prophètes, qui ont illuminé cette nuit ont disparu. L'histoire de ce peuple semble se finir dans des ténèbres angoissants. Après 70 ans d'exil, le décret d'extermination de Haman vient mettre fin tragiquement à la nuit du peuple d'Israël. C'est alors, comme un astre qui n'apparaît qu'au matin, que Esther se révèle. La nuit n'est pourtant pas finie, la délivrance n'est pas totale. Israël demeure en exil mais survit, se reconstruit et peut enfin espérer assister à un nouveau matin.
La délivrance est inattendue. Certaines années d'ailleurs, durant le 12e mois il ne se passe toujours rien. Un 13e mois vient alors et enfin la joie de Pourim peut ressortir.
Il est connu que le Rouleau d'Esther est le seul livre biblique où le nom de D. n'apparaît pas. Il faut donc ajouter qu'à l'inverse, les noms de divinités païennes apparaissent au premier plan au travers des personnages juifs principaux. Dans un monde qui divinisait le hasard, les astres, les rois, les reines et les grands personnages, la méguila fait l'inverse, se joue du hasard et humanise les dieux en se gardant bien d'y mêler le nom du seul vrai D.. Subtiliser les dieux de l'exil, n'est-ce pas ce que Rahel, avait déjà fait ? Le danger est grand. Rahel est morte à cause de cela en donnant naissance à Binyamin, l'ancêtre de Esther et Mordékhaï. Esther aussi y risque sa vie, mais cette fois la délivrance se produit.
Le récit est construit sur un trouble entre le mal et le bien et sur un renversement des identités. Qu'une héroïne biblique porte le nom d'une déesse, est-ce vraiment plus surprenant, plus choquant, que d'être la femme, même contre son gré, d'Ahashvérosh ? On sait comment Shimon et Lévi avaient réagi pour venger l'honneur de leur sœur, prise par un prince.
Le message étrange et risqué de la méguila est que le mal peut se renverser en bien. Ce renversement doit se réaliser de la manière la plus complète. Dans la Torah, les fautes les plus grandes sont celles du meurtre, des unions interdites et de l'idolâtrie. Dans la méguila, elles participent à l'avènement du Bien. Haman et son cruel décret d'extermination sont à l'origine de la réussite des juifs et de leur fête joyeuse. Le harem et son immoralité est le lieu abjecte d'où Esther sauve son peuple. Le hasard et l'absence apparente de D. ont servi à révéler Sa présence. Les absurdes croyances païennes d'Ishtar et de Mardouk servent de trame à l'histoire sainte d'Esther et Mordékhaï.
 
Nous comprenons ainsi le sens d'un midrash concernant la biche :
« La gazelle est un animal qui ne parvient pas naturellement à mettre bas, car ses membres sont serrés. D. fait intervenir un serpent qui la mord. Ses membres se relâchent alors et elle peut mettre bas. »
Bava Batra 16 b

Il serait étonnant que ce midrash ne traite que de zoologie. La gazelle, renvoie peut-être à la «gazelle du matin », l'étoile du berger, la lumineuse planète Vénus, la belle et guerrière déesse Ishtar, la mystérieuse reine Esther. 
Ce midrash nous enseigne certainement que, lorsque la délivrance est extrêmement difficile, le serpent, animal représentant le mal, participe lui aussi à faire naître le Bien.

 



<b>Antoine-Louis Barye</b> : <b>Gazelle</b> : <b>Serpent</b> : Python enlaçant une gazelle
Python enlaçant une gazelle - Daumier - Musée d'Orsay


Une vidéo scientifique sur Vénus :















Désobéissance féminine



Dans l’Antiquité et au Moyen age, le père est doté de ce que l’on qualifie de « puissance paternelle ». Femme(s) et enfants lui doivent respect et obéissance. Toute la société repose sur des rapports d’autorité et de soumission. Ainsi, la position du père à l’intérieur de la famille représente et garantie l’autorité du roi sur tous ses sujets. Cette situation est très bien illustrée dans un des premiers épisodes du Rouleau d’Esther.
Le Roi Ahashvérosh convie tous les habitants de Suze à un merveilleux festin. Tous les abus y sont permis et même recommandés. Au dernier des sept jours de ce festin, Ahashvérosh, réjouit par le vin, décide de montrer à tous ses invités plus encore que ses innombrables richesses. Il ordonne que la reine Vashti montre son extraordinaire beauté à tous les convives. La reine refuse de s’humilier ainsi, entraînant la colère du roi. Il demande alors conseil à ses ministres. Mémoukhan prend la parole. Il prend soin de bien expliquer la gravité de la situation :
« Ce n’est pas seulement contre le roi que la reine Vashti a mal agi, mais c’est contre tous les chefs et contre tous les peuples qui sont dans toutes les provinces du roi Assuérus. (…) Et dès ce jour-même, les princesses de Perse et de Mèdie qui ont appris cette action de la reine, en parleront à tous les chefs du roi ; d’où mépris et colère. »
En somme, le ministre explique au roi que l’affaire Vashti dépasse de loin un problème intérieur au palais. Si le roi n’agit pas comme il se doit, une révolution risque de détruire les années d’efforts, de guerres, de diplomatie et de festin qui lui ont été nécessaires pour conquérir puis pacifier les 127 provinces de son empire. Le roi doit comprendre que la « libération de la femme » n’est pas qu’une affaire privée. Toute la société, depuis ses fondements, s’écroulera si l’on n’arrête pas le mouvement immédiatement. En conséquence, une ordonnance royale doit être publiée afin que toutes les femmes aient du respect pour leurs maris.
« Alors le roi envoya des lettres dans toutes le provinces – pour chaque province selon son écriture, et pour chaque peuple selon sa langue -, afin que tout homme fût maître dans sa maison et parlât la langue de son peuple. »
Il est intéressant de remarquer que cette vision du respect du mari est exprimé dans la méguila par des personnages mal considérés. Un rapprochement troublant est d’ailleurs à faire entre cet épisode et celui où Haman demande d’exterminer tous les juifs « du plus jeune au plus vieux, enfants et femmes en un seul jour ». Il s’agit là encore de défendre les intérêts de l’immense et si puissant empire perse mis en danger par un si petit peuple. Doués d’une étonnante lucidité, les conseillers d’Ahashvérosh craignent plus que tout les gens dont la faiblesse et la soumission naturelles masquent une vitalité, une intelligence, une puissance bien plus grande que la force brute des hommes, des armes et des richesses.
Or précisément dans la méguila, les masques finissent par tomber. Le peuple humilié retrouve gloire et joie. Les femmes soumises acquièrent, par Esther, la preuve que toute un empire peut être habilement dirigé par l’intelligence d’une femme.

D. se cache dans la mégila, son action apparaît par l’assistance qu’il accorde toujours aux opprimés.

jeudi 27 février 2014

Esther dans la Bible


Pour quelle raison un livre est-il retenu dans la Bible? Les sages du Talmud s’interrogent, encore après la destruction du deuxième Temple, au sujet de la sainteté de certains écrits (Yadayim III, 5). Ils craignent par exemple que des versets de L’Ecclésiaste ou des Proverbes soient mal interprétés (Shabbat 30b). L‘inspiration divine des auteurs du Cantique des Cantiques (‘Edouyot V, 3) et du Rouleau d’Esther (Meguillah 7a) est mise en doute. Quant au Livre de Ben Sirah - L’Ecclésiastique - il est définitivement écarté.
Les rabbins considèrent en effet que des centaines de milliers de prophètes ont existé en Israël. Ces prophètes ne sont pas seulement des personnes ayant atteint un niveau supérieur de sagesse ou de relation à l'E-ternel. Ils sont aussi des messagers divins. Pourquoi leurs prophéties ont-elles disparu ? Le Talmud répond (Meguillah 14a):
Une prophétie qui est nécessaire aux générations futures a été écrite, celle qui ne l’est pas n’a pas été écrite.”
Un discours peut être inspiré par l'E-ternel, prononcé par une personnalité importante d’Israël, avoir à son époque une grande influence et exprimer une profonde sagesse, il ne trouve pourtant pas toujours sa place dans la Bible. La question qui est ici posée est : à quoi cela va-t-il servir ?
Pour les Sages, les livres bibliques n’ont pas pour fonction d’établir l’histoire d’Israël ou de réunir ses grands auteurs. Les Sages intègrent un livre dans la Bible, plus de quatre siècles après sa rédaction, en considérant qu’il contient un enseignement perpétuel.
Les livres bibliques répondent donc au minimum à deux critères.
  • Ils sont inspirés par l'E-ternel.
  • Ils sont écrits pour les générations futures.
On comprend alors les controverses au sujet du Rouleau d'Esther. Non seulement le nom de l'E-ternel n'y apparaît pas mais surtout les idées qu'il véhicule semblent contraires au message biblique. L'histoire du decret d'extermination des juifs puis de leur délivrance est indépendant de leurs fautes ou de leurs mérites. Le hasard, dans une grande part, et l'action de quelques personnages semblent déterminer le cours de l'histoire.

Nos Maîtres enseignent que non seulement le Rouleau d'Esther est un livre saint « malgré » le message qu'il délivre, mais surtout que, sans lui et sans son message particulier, la Bible est incomplète. Le Rouleau d'Esther nous apprend qu'il existe des moments historiques durant lesquels la haine destructrice envers le peuple juif est uniquement identitaire. Nul intérêt politique ou économique, nul conflit spirituel ou religieux en sont la cause. Seule la volonté irationnelle de mettre fin à l'histoire juive anime cette folie exterminatrice. Face à cela, les notions de mérites ou de responsabilités, si chères à la Bible et maintes fois vérifiées, semblent disparaître. Tel Mordékhaï refusant de se prosterner devant Haman pour la seule raison « qu'il est juif », l'affirmation identitaire, même détachée de son appartenance à l'alliance avec l'E-ternel est seule à trouver une issue à ce risque d'anéantissement.

Le dévoilement de pourim



Dans le Rouleau d’Esther, la situation des personnages se reflète dans leurs vêtements. Apprenant le décret d’Haman d’exterminer tous les juifs, Mardochée déchire ses habits et se couvre d’un sac. Il demande ensuite à la Reine Esther de défendre les juifs auprès du Roi Assuérus. Elle refuse, car si elle s’aventure au Palais sans y être conviée, elle risque sa vie. Or, elle n’a pas été appelée depuis trente jours. Mardochée lui fait observer que sa position de Reine en cette heure de détresse la place au premier plan de l’Histoire. Elle doit assumer cette responsabilité. Si elle prétexte ne pas pouvoir, c’est elle qu’elle exclue de l’Histoire de la délivrance. Le texte précise alors qu’avant de se rendre chez le roi, Esther se “vêtit de Royauté”. Mardochée l’incite à retrouver sa « Royauté » intérieure, cette majesté qui consiste à se sentir responsable du sort des autres en exprimant pleinement sa personnalité propre. Esther a le courage d’être elle-même. Les précieux vêtements qu’elle porte couvrent son corps et découvrent son âme. Dans la nuit qui suit, le Roi n’arrive pas à dormir. Il demande à Haman le moyen d’honorer la personne que le Roi estime le plus. Haman conseille à Assuérus de lui faire porter les vêtements royaux. Il pense qu’ils lui seront destinés mais finalement Haman revêt Mardochée des habits royaux, après lui avoir retirer son sac de deuil.
Cette importance accordée au vêtement se trouve déjà dans la Genèse. Après leur faute, découvrant leur nudité, l’homme et la femme se couvrent des feuilles de figuiers et se cachent. D. appelle alors Adam. "Où es-tu ?" Mais il ne reconnaît pas sa faute. L’E-ternel l’interroge alors :
“Qui t’a dit que tu étais nu ? Est-ce de l’arbre dont je t’ai ordonné de ne pas manger, que tu as mangé ?”
D’après le Talmud un autre personnage se cache dans ce récit :
Où trouve-t-on Haman dans la Tora ? Il est écrit “hamin ha’ets / est-ce de l’arbre”. (Houlin, 139b)
Le mot « hamin » peut se lire Haman. Ce n’est pas un simple jeu de mots. Dans le Rouleau d’Esther, la potence est désignée par le terme « ha’ets » / l’arbre. « L’arbre » est donc présent dans l’histoire d’Adam comme dans celle d’Haman, pendu à la potence qu’il avait préparée pour Mardochée. Le Rav Weingort explique le lien entre ces deux arbres. Bien qu’interdit, la femme voit que l’arbre est « bon à manger » parce que le serpent a renversé les concepts du Bien et du Mal. Le bien et le mal sont perçus instinctivement au lieu de l’être dans l’absolu. Haman agit comme le serpent. Il persuade Assuérus de commettre la pire des atrocités en qualifiant cet acte de bon.
S’il est bon pour le Roi, qu’il soit écrit de les anéantir. (Es., 3, 9)
De même, il désire pendre Mardochée, l’homme qui a sauvé le Roi. Mais le miracle de pourim c’est le renversement de la situation. L’arbre sur lequel devait être pendu le juste sert de potence au méchant. Enfin, « un éclair de connaissance dissipe le brouillard répandu par le serpent, l’arbre de la confusion du Bien et du Mal redevient l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal ». [1]
Finalement, après leur avoir reproché leur acte, l’E-ternel fait à l’homme et à la femme des tuniques de peau. Les feuilles de figuiers ne suffisent pas. Le vêtement offert par D. n’a pas pour seule fonction de couvrir la nudité ou de protéger du froid ou d’autres agressions. Il rappelle à l’humain, comme Mardochée à Esther, que l’être humain est porteur d’une mission. Faire le choix de son vêtement revient à faire le choix de sa personnalité, faire le choix entre le bien et le mal.
En nous déguisant à pourim, nous choisissons, sans gêne, notre vêtement. On découvre parfois que c’est toute l’année que l’on se cache sa personnalité. Se masquer revient à se dévoiler. Le même but est recherché par le vin ; savoir qui l’on est. Le zohar dit bien que le jour de kippour est comme pourim / ké-pourim. D’ailleurs, en ayant le courage de se découvrir, Esther découvre l’E-ternel :
Où trouve-t-on Esther dans la Tora ? Il est écrit : “haster astir panaï / Je cacherai ma face” (Houlin, 139 b).
Dieu n’est pas absent. Comme on se couvre d’un vêtement, l’E-ternel se dissimule derrière les lois du hasard et de la politique et à l’intérieur des femmes et des hommes qui se recherchent, qui Le recherchent. La méguila couvre D. autant qu’elle le découvre (méguala).



[1]Weingort A., Responsabilité et sanction en droit talmudique et comparé, Droz, Genève, 1998, p. 88.

Libre destinée


 
Le quatorze adar, a lieu la fête de pourim. Son histoire est racontée dans le Rouleau d’Esther. Haman, premier ministre de l’empire perse, ordonne « de tuer, de perdre et d’exterminer tous les juifs - jeune et vieux, enfants et femmes – en un seul jour » (Est. 3, 13). Le jour avait été fixé par tirage aux sorts, en hébreu pourim, au 13 adar. Grâce à la reine Esther le roi autorise les juifs à se défendre. Le 13 adar est alors un jour de triomphe pour les juifs. Le lendemain devient jour de réjouissances.
Le rôle joué par Esther est déterminant. Cependant, lorsque Mardochée lui communique le décret de Haman, elle refuse tout d’abord d’agir. Le roi ne l’a pas appelée depuis trente jours. Or, quiconque s’aventure au Palais sans y être convié, risque sa vie. Mardochée lui répond alors :
« Ne t’imagine pas en ton âme, être épargnée d’entre tous les juifs dans la palais du roi. Car si tu persistes à garder le silence en cette heure, la délivrance et le salut surgiront pour les juifs d’un autre endroit, tandis que toi et la maison de ton père vous périrez. Et qui sait si ce n’est pas pour une telle heure que tu es parvenue à la royauté. »
Mardochée sait qu’aux jours des malheurs, il n’est pas fait de différence entre un juif et un autre. Mais en plus, il est en fait persuadé que les juifs seront sauvés ! Il demande à Esther d’agir pour que le salut passe par elle. En effet, sa position auprès du roi, précisément en cette heure de détresse, la place au premier plan de l’Histoire. A elle d’en assumer les responsabilités. En acceptant d’agir, c’est d’abord elle-même qu’elle sauve de la perte.
Chacun a le devoir d’agir selon ses possibilités. S’il ne le fait pas, d’autres le feront. L’Histoire sera différente, peut-être plus tragique, mais se fera sûrement. Quant à celui qui garde le silence en prétextant ne pas pouvoir, s’exclue de l’Histoire.
Face à sa « destinée », c’est toujours sa liberté qui est mise en jeu.

Dès qu'entre le mois de Adar...

  Cet article a été écrit suite à l'attentat contre la yeshiva de merkaz harav, rosh hodesh adar 2 5768

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« Dès qu'entre le mois de Adar nous multiplions la joie »
Comment entendre cette phrase du Talmud alors que cette année, à la veille du mois de adar II, tant d'adolescents ont été assassinés ou blessées grièvement ? Comment pouvions-nous chanter le hallel, les psaumes de louanges, en ce tragique jour de rosh hodesh ? Tel ce verset 19 du chapitre 116 :
בְּחַצְרוֹת בֵּית ײ בְּתוֹכֵכִי יְרוּשָׁלִָם...
« Dans les cours de la maison de l'E-ternel, en plein centre de Jérusalem... »
Dans une yeshiva, maison de l'E-ternel, en plein centre de Jérusalem, combien de cris ont été entendus ? Combien de pleurs ? Trois versets plus hauts, le Roi David affirmait aussi :
יָקָר בְּעֵינֵי ײ הַמָּוְתָה לַחֲסִידָיו.
« Une chose précieuse aux regards de l’E-ternel, c’est la mort de ses pieux serviteurs. »
Ses pieux serviteurs, ses « hassidim » sont ceux qui lui sont intimement attachés. Si jeunes, ces élèves de yeshiva ont fait le choix de se vouer à l'étude de la Tora. Combien d'autres jeunes de leur âges consacrent-ils toutes leurs journées mais également leurs nuits à l'étude de la parole de notre D. ?
Les ennemis d'Israël ont choisi le moment de leur étude de la nuit pour verser le sang de ces enfants. Le Talmud insiste sur la particularité de l'étude durant la nuit :
כל הלומד תורה בלילה חוט של חסד משוך עליו ביום
« Tout celui qui étudie la tora la nuit ; un fil de bonté est tendu sur lui le jour. » (T. B. Avoda zara 3b)
Etudier la Tora la nuit revient à étudier à un moment qui semble ne pas lui convenir. La journée est passée, le temps de l'action n'est plu. Les corps sont fatigués et les esprits perdent leur vivacité. Celui qui, malgré tout, s'efforce de consacrer sa nuit à l'étude, a conscience de la nécessité absolue de la Tora. Pour étudier la tora nous avons effectivement besoin de nos capacités physiques et mentales. Mais pour exister en tant que juif, nos capacités physiques et mentales ont besoin de la Tora.
Durant la longue nuit de notre exil, maintes fois nos ennemis ont voulu croire que le corps et l'esprit de notre nation étaient épuisés. Ils se sont efforcés à considérer que la journée lumineuse de notre peuple et de notre tora était passée et que nous devions sombrer dans l'obscurité. Mais nous avons toujours persister à étudier, à enseigner et à pratiquer notre Tora de vie, malgré l'aube qui tarde à venir.
La fête de pourim célèbre précisément cette résistance d'Israël à ses ennemis. Elle illustre la lente mais certaine apparition de la lumière après la nuit. Pour Israël, la nuit précède la journée. Peut-être est-ce ainsi que nous devons comprendre l'affirmation du Talmud :
" אמר רב יהודה בריה דרב שמואל בר שילת משמיה דרב: כשם שמשנכנס אב ממעטין בשמחה - כך משנכנס אדר מרבין בשמחה.
« Rav Yehouda fils de Rav Shemouel fils de Shilat a dit : de même que lorsqu'entre le mois de av, nous diminuons la joie, lorsqu'entre le mois de adar, nous multiplions la joie. » (Ta'anit 29a)
Le Talmud ne décrit pas des états de faits. Ce sont des injonctions. Au mois de av, quand l'exil nous paraît doux et salutaire et que le souvenir du Temple ne nous fait plus souffrir, nous avons l'obligation d'exprimer notre tristesse et de prendre conscience de la tragédie dans laquelle nous vivons encore. Quand à l'inverse nos ennemis éteignent violemment les jeunes lumières qui éclairent enfin notre si sombre fin de nuit, nous avons l'obligation de continuer à ressentir la joie qui anime toujours l'âme de notre peuple.
Il existe un lien entre ces deux mois ; celui de la destruction de notre Temple et du début de notre exil et celui de la fête de pourim. La peine s'est transformée en joie, le deuil en jour de fête, apprend-t-on dans la méguila.
Ces justes ont donné, malgré les ténèbres, leurs derniers souffles dans des paroles joyeuses d'une tora de vie. Leurs âmes sont entrées dans l'Eternité.

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Suite à cet article, le cours suivant a été donné : Dès qu'entre le mois de adar, on multiplie la joie.

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